samedi 16 mai 2009

"The Marlboro Marine" (2)

Recourant aux nouvelles technologies, Luis Sinco a tiré de cet épisode marquant un motion, genre qui fait actuellement florès sur le net. Il s’agit d’un «web documentaire » combinant images et sons, dans une perspective de rich media.

Cependant force est de constater que la valeur documentaire prime sur la valeur informative ici. Un seul point de vue nous est donné, celui des soldats étatsuniens. Et un point de vue sera toujours par nature individuel et personnel. Certes le journaliste d’investigation doit se saisir de ce témoignage unique, mais il ne peut s’en contenter. A lui d’examiner d’autres perspectives, d’autres sources afin d’approcher l’objectivité si tant est qu’elle existe. Car il n’y a pas de regard omniscient.

A cet égard, il est intéressant de comparer le traitement de cette guerre larvée dans la presse traditionnelle. Une presse par ailleurs clivée, médias arabes, européens et américains adoptant chacun un prisme différent. Suite à la première intervention en Irak, la presse francophone s’appesantit sur l’enlisement de l’armée US. C’est un constat d’échec qui prévaut. Dans son édition du 10 avril 2004, alors que la bataille ne fait que commencer, Rémy Ourdan écrit dans Le Monde: « Les Américains accumulent les revers militaires et politiques ». La veille, le journal Libération titrait quant à lui: « Fallujah, c’est comme Huê au Vietnam », en référence à la victoire à la Pyrrhus (durant l'offensive du Têt, 31 janvier au 3 mars 1968) de l'armée américaine sur les troupes communistes vietnamiennes.

Les médias établissent un body count quotidien, dénombrant les morts et les blessés étatsuniens. Les reportages montrant la lassitude et l’extrême tension des combattants US foisonnent. Les caméras se focalisent sur les victimes civiles de ces combats urbains, souvent utilisées comme boucliers humains par les insurgés. C’est la guerre des images qui débute. Se référant au mainstream, les opinions publiques occidentales sont inclinées à penser que les Américains déploient un arsenal injustifié pour frapper des civils "innocents".

Dans les pays arabes, la ville de Fallujah devient un symbole, celui de la résistance à l’occupation. Le quotidien panarabe AL-QUDS AL-ARABI, édité à Londres, ne fait pas dans la demi-mesure, fustigeant «l’holocauste américain à Fallujah».

Comment sortir d’une lecture binaire, forcément tendancieuse et polarisée, au service d’intérêts divergents ? A l’ère du Web2.0, multipliant les points de vue et sources d’information, la question demeure d’une cruelle actualité. C’est un peu la quadrature du net.



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