lundi 18 mai 2009

Présentation

I. Introduction générale La guerre au temps de l'internet
  • choix du sujet : pourquoi l'Irak ? Ou quand la blogosphère prend son essor. Pourquoi la guerre ? Un terrain "miné"...
II. L'internet citoyen. Les blogs "testimoniaux", un genre protéiforme.
  • Les blogs de "civils" irakiens (Salam Pax + Riverbend ) : la voix des "sans-voix" ?
  • Les milblogs de soldats américains : les insiders patriotes
III. La parole aux experts : l'information valorisée
  • Le blog de Juan Cole : un regard journalistique
IV. La guerre des images : traitement par l'image (blog vigirak, TV, etc.)

V. Le "culte de l'amateur" : potentiel et limites de la blogosphère.
Un terrain à défricher pour les médias traditionnels.

le body count californien

Depuis la fin 2001, le Los Angeles Times tient la chronique des soldats californiens décédés durant leur service en Irak et en Afghanistan. Leurs histoires, photos et autre pages Web personnelles ont été rassemblés dans une base de données - the California's War Dead database. Les internautes sont invités à y honorer la mémoire de leurs proches et collègues disparus.

dimanche 17 mai 2009

Les blogueurs de Baghdad


Depuis le début du conflit, de nombreux blogs de citoyens irakiens ont fleuri sur la toile. Parmi eux, « Baghdad Burning » et « Where is Raed ? » ont eu un écho considérable dans les médias occidentaux. Leurs auteurs, de jeunes anonymes, sont devenus de véritables « icônes » de l’internet 2.0, les symboles des souffrances des populations civiles et du droit à l’information en temps de guerre.

Salam Pax

« Where is Raed » est un blog écrit en anglais, créé en 2002 sous la dictature de Saddam Hussein par « Salam Pax », un jeune architecte de 29 ans vivant dans la banlieue de Baghdad. Epris de liberté, ouvertement gay et laïc, le jeune homme, choisit pour son nom de blogueur d’accoler les mots « paix » en arabe et en latin.
Très critique à l’égard du régime de Saddam, le blogueur ne ménage pas non plus les troupes américaines et britanniques. Durant le conflit, il décide de témoigner de ce qu’il vit, partageant commentaires, impressions et liens vers des sites d’information.
Très rapidement, Salam Pax devient le premier « blogueur-star » de la guerre: ses fans vont même jusqu’à faire imprimer des t-shirts et des tasses à son nom. Alors qu’il travaille comme traducteur pour un journaliste américain, l’identité de celui que l’on connaît comme « le blogueur de Baghdad » ou encore « l’Anne Franck de la guerre d’Irak » est révélée en 2003 par le Guardian. La même année, le quotidien britannique publie un recueil de ses textes intitulé « The Baghdad Blog » et ouvre ses colonnes au jeune homme qui collabore au journal comme chroniqueur jusqu’en 2005.

Riverbend

Le blog « Baghdad Burning » a été lancé en mai 2003, quelques semaines après le début de l’intervention américaine, par une jeune Baghdadi à l’identité mystérieuse. « Riverbend », c’est son nom de plume, se contente de se présenter en quelques phrases elliptiques : « Je suis une jeune femme, je suis irakienne et j’ai 24 ans. J’ai survécu à la guerre. C’est tout ce que vous avez besoin de savoir. C’est tout ce qui compte aujourd’hui, de toute façon.
La jeune femme, dans un anglais parfait(on apprendra par la suite qu’elle a vécu dans un pays anglophone), décrit son quotidien, celui de sa famille, de son quartier, dans Baghdad assiégée. Avec lucidité, humour parfois, elle commente l’actualité, fait part de ses peurs, de ses colères contre l’occupation américaine et les attentats kamikaze. Elle explique sa démarche par la frustration qu’elle éprouve face aux médias occidentaux qui n’offrent selon elle « qu’une vision partielle de ce qui se passe en Irak ». Encouragée à ses débuts par son confrère Salam Pax, elle ajoute que le fait de tenir un blog durant ces mois de guerre a également eu des vertus thérapeutiques, lui permettant de verbaliser ses souffrances et de se sentir plus forte.
Dès sa création, le site reçoit de nombreux messages de soutien et est très vite relayé par la presse traditionnelle britannique et américaine. Mais Riverbend déplore certains messages qui mettent en doute l’authenticité de son témoignage : « Ce blog m’a permis de mesurer à quel point les citoyens occidentaux sont mal informés sur mon pays. On m’écrit « vous mentez, vous n’êtes pas irakienne. » Et pourquoi ? Parce que j’ai accès à internet (les Irakiens n’ont pas Internet), je sais comment l’utiliser (les Irakiens ne savent même pas ce qu’est un ordinateur) et les irakiens ne savent pas parler anglais… Maintenant, quand je vois les troupes dans les rues, je me dis : « Alors, c’est ce qu’ils pensent de nous. »
Un recueil d'articles de son blog a été publié en 2005 sous le titre « Girl Blog from Iraq » aux presses universitaires de la City University de New York. « Baghdad Burning » a également inspiré plusieurs pièces de théâtre aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. La jeune femme et sa famille ont quitté Baghdad en 2007 pour s’installer en Syrie.

Ces « warblogs » ont permis aux citoyens occidentaux d’avoir une vision plus concrète de la réalité irakienne. Le fait que leurs auteurs maîtrisent parfaitement la langue et la culture anglo-saxonne crée un sentiment de proximité, d’empathie, à mille lieues des images satellites désincarnées de bombardements diffusées sur les grandes chaînes de télévision. L’intérêt éditorial des « war blogs » réside bien dans leur dimension testimoniale subjective et émotionnelle, initiant de nouveaux procédés de légitimation de l’information. Le fait que ces blogueurs parlent du « cœur de l’évènement », qu’ils expriment en tant que victime leur expérience personnelle de la guerre au quotidien,consacre leur parole comme « vraie » . Les processus de validation à l’œuvre ici ne sont donc pas les mêmes que ceux utilisés jusqu’à présents par les journalistes. Plus le blog est personnel et détaillé, jusque dans une quotidienneté très banale, plus il aura tendance à être validé par l’internaute en tant que source d’information fiable par opposition à des médias traditionnels jugés peu objectifs et connaissant mal les réalités irakiennes. Si l’on peut questionner le "storytelling", la dimension de "mise en scène" induite par ces procédés de légitimation, on peut toutefois considérer que cette idée de « posture » est présente dans tout processus de validation de la « vérité », y compris ceux privilégiés par le journalisme classique.
L’histoire des blogueurs de Baghdad est exemplaire des rapports entre anciens et nouveaux médias : inquiets de se voir dépassés et remis en question, les journalistes ont très rapidement compris l’intérêt de tenir eux aussi des « warblogs », racontant à la première personne leur expérience sur le terrain. Ils ont également su récupérer ces anonymes irakiens en les intégrant à un système médiatique plus classique (« starification », publication de livres tirés des blogs, produits culturels dérivés, chroniques dans des quotidiens), contribuant à brouiller la frontière entre amateurisme et professionnalisme sur la toile.

La bataille des chiffres


Le décompte des pertes humaines civiles du côté irakien est un enjeu depuis le début de l’intervention. Les armées américaines et britanniques, contrairement à ce qui se pratiquait durant la guerre du Vietnam, ont choisi de taire le nombre de civils tués par leurs troupes, de peur de discréditer un conflit déjà largement critiqué par l’opinion. Le site Iraq Body Count, créé en janvier 2003 par deux universitaires britanniques, John Sloboda et Hamit Dardagan, a pour but de fournir les chiffres les plus précis possibles concernant les civils irakiens morts au cours des opérations des forces armées, du fait des attentats et des violences interconfessionnelles ainsi que de l’insécurité qui règne dans le pays depuis le début de la guerre.

Ce projet participatif et citoyen est né de l’indignation de ses créateurs à la suite des propos de Thomas Francks, chef du commandement central de l’armée américaine en Irak, qui avait déclaré en 2003 « We don’t do body counts ». Les informations réunies sur le site proviennent de différentes sources : ONG, documents officiels, journalistes professionnels relayés par des volontaires et des militants pacifistes. IBC présente sa méthodologie de façon détaillée, précisant que les morts doivent avoir été mentionnés par au moins deux sources d’information indépendantes pour être pris en compte.

Le site, toujours actif aujourd’hui, est régulièrement cité par les médias traditionnels comme une source crédible. Mais dans le contexte de la polémique sur le nombre réel de civils tués en Irak, il a également fait l’objet de nombreuses critiques. L’OMS ainsi que la revue médicale britannique The Lancet, qui ont elles aussi mené des recherches sur le sujet, considèrent que les chiffres avancés par IBC sont largement sous-estimés. En effet, selon les différentes études menées, on considère qu’entre 100 000 et 1,2 million d’Irakiens auraient perdu la vie depuis mars 2003.

Deux versions pour une même guerre


lien vidéo (25 avril 2008 / Aljazeera english)

Les journalistes arabes et occidentaux couvrent la même guerre....pourtant deux versions s'opposent. La télévision Aljazeera english tente d'expliquer ce phénomène dans une série d' émissions sur le thème de la guerre en Irak.

Dans le sujet, on nous dit que les arabes auraient davantage mis l'accent sur les victimes civiles et les reporters d'Aljazeera n'auraient pas chercher à traiter la guerre comme une "sucess storry". De leur côté, les américains auraient évité de diffuser des images de bombardements, cherchant à montrer la victoire.

Le problème majeure est le suivant: quels sont les faits ? Qui dit la vérité ? Les médias se sont heurtés à un problème de baisse de crédibilité de l'information et une baisse d'audience. Par ailleurs, avec les événements du 9/11, les journalistes avaient parfois une vision un peu "biaisée" de la situation. C'est comme une histoire impossible à raconter, précise un des invités du plateau de l'émission. Les Etats avaient-il un agenda politique à respecter, ce qui aurait eu un impact négatif sur les événements de la guerre ?

Certains journaux comme le Washington Post ont reconnu leurs erreurs suite à la publication de certaines informations (armes de destruction massive?). Le magazine Neesweek a quant à lui réalisé un vrai travail d'investigation mais d'autres, comme le NYT, auraient simplement mal fait leur travail de recoupage des faits, explique un autre invité.

Un événement est donc couvert selon une perspective différente selon le pays du média.

A noter qu'en France, l'ACRIMED a dénoncé le peu de réaction des TV françaises face au discours de propagande américaine. Voir l'article de Marie Bénilde qui conclut en mai 2003 " ce n’est pourtant pas parce qu’on se montre comme étant possiblement manipulé que l’on ne concourt pas efficacement à une entreprise de manipulation militaire." Elle donne l'exemple des sosies de Saddam Hussein...et le défaut d'explications sur le possible outil de propagande que sa mort représente pour le Pentagone, afin de déstabiliser le régime.

L'annonce de la guerre en 2003 par Bush et Saddam Hussein (archives de Antenne 2 , Ina) montre encore à quel point les deux camps s'opposent et que la guerre des images peut commencer. Un autre journal de France 2 du 23 mars 2003 (archive Ina) diffuse les premières images d'Aljazeera de soldtas américains capturés en Irak.....la journaliste précise que des reportages, la veille, avaient montré des soldats irakiens et que donc ces images peuvent être diffusées. Toutefois, on poursuit en disant que les images des dépouilles de soldats de la coalition ont été volontairement édulcorées.

Les médias alternatifs (blogs) ont rapidement compris que l'information n'était pas neutre et ont tenté par des récits testimoniaux d'apporter un autre regard. Certains d'entre-eux sont pourtant tombés dans le même piège en choisissant leur camp et donc en manipulant inévitablement à leur tour certaines images.

La guerre au temps de l'internet


La méfiance envers les médias traditionnels et l’intérêts pour l’information « alternative » proposée par les blogs s’est développée surtout à partir du 11 septembre 2001. Mais c’est à partir de 2003, avec la guerre d’Irak, que la blogosphère s’est véritablement imposée comme un média d’information incontournable, remettant en question les pratiques des journalistes professionnels. Cette guerre s’est déroulée dans un paysage médiatique nouveau : l’opinion publique a eu accès, grâce à l’internet en général et aux blogs en particulier, à une quantité et une diversité d’information bien supérieure à celle disponible lors des précédentes conflits.

Entre janvier 2004 et janvier 2006, le nombre de blogs dans le monde passe de 1,6 à 26,6 millions. Si le début des années 2000 a vu l’émergence de nouvelles technologies permettant de diffuser très simplement des informations en ligne, l’importance qu’ont pris les blogs durant la guerre d’Irak est due également au sentiment partagé par de nombreux citoyens que les médias traditionnels ne font pas leur travail, ont tendance à s’aligner sur les positions du gouvernement et pratiquent l’autocensure, minimisant notamment le nombre de morts et présentant la perception de l’intervention par les Irakiens sous un jour étonnement favorable. Certains médias comme la chaîne Fox News, propriété du magnat des médias ouvertement conservateur, Rupert Murdoch, ont été accusés de diffuser la propagande belliqueuse de l’administration Bush. L’hostilité à la guerre d’une grande partie de l’opinion publique a contribué à favoriser l’émergence de médias alternatifs proposant un regard critique sur le conflit. Selon une études citée par Junho H. Choi, James H. Watt et Michael Lynch, dans leur article “Perceptions of News Credibility about the War in Iraq: Why War Opponents Perceived the Internet as the Most Credible Medium “, les Américains opposés à la guerre d’Irak disent très majoritairement qu’ils ne font pas confiance aux medias traditionnels et leur préfèrent l’Internet.


Dans le contexte polémique autour de la politique américaine de « war on terror » de l’après 11 septembre, les blogs de simples citoyens traitant, le plus souvent de façon critique, de la guerre d’Irak se multiplient en fur et à mesure de l’enlisement du conflit : des blogs militants, opposés au gouvernement de George W. Bush, bien sûr, et dévoilant notamment l’absence de preuves sur les armes de destruction massive, auxquels s’ajoutent rapidement de nombreux blogs tenus par des GI’s, montrant la terrible réalité du front, ainsi que ceux de familles de soldats, dont les fameuses « GI moms » qui dénoncent la « sale guerre » pour laquelle leurs fils sont sacrifiés.
Un nouveau type de journalisme de guerre émerge également, qui rencontre un échos considérable : ce sont les journaux en ligne tenus par des Irakiens eux-mêmes, le plus souvent en anglais, qui, en décrivant leur quotidien, offrent aux regards du monde, depuis la prison qu’est Baghdad assiégée, la « réalité » de la guerre, par opposition aux « mensonges » attribués aux institutions aux médias. Ces blogs testimoniaux dont les plus célèbres sont « Baghdad Burning » et « Where is Raed ? », tirent leur légitimité de leur nature subjective et quotidienne, offrant une vision plus « concrète » et humaine du conflit qui attire la sympathie et émeut de nombreux internautes.

Contrairement à ce qui s’était passé durant la guerre du Vietnam, les journalistes ont eux beaucoup de difficulté à enquêter librement sur le terrain pendant ce conflit. La pratique du journalisme « embedded »,c’est-à-dire embarqués avec les soldats, se systématise, donnant l’illusion d’un reportage « brut », « au cœur de l’événement ». Mais les journalistes embarqués n’ont, de loin, pas accès à toute l’information, l’armée veillant à filtrer très strictement les nouvelles diffusées, et certains d’entre eux vont parfois jusqu’à mettre en scène cette information, comme lors du sauvetage du soldat Jessica Lynch, célèbre manipulation largement relayée par les chaînes de télévision puis démasquée par des reporters de la BBC.

Décrédibilisée, la profession, face aux critiques de la blogosphère, hésite entre enthousiasme et méfiance. Dépossédés de leurs privilèges, les médias traditionnels manifestent très rapidement leur volonté de ne pas passer à côté du phénomène. Dès 2003, le magazine Forbes publie une listes des meilleurs « warblogs », dans une volonté de s’associer au succès de ce nouveau média mais également de proposer un regard critique et une forme de hiérarchisation afin d’aider le lecteur à se repérer dans la jungle de la blogosphère. Les articles sur les blogs se multiplient, tantôt admiratifs, tantôt critiques contre les risques d’une information anonyme et non-professionnelle, mais jamais indifférents face à ce qu’on n’hésite pas à qualifier de « cinquième pouvoir ». Rapidement, les journalistes professionnels vont eux aussi se lancer dans le blogging, tandis que certains amateurs deviennent de véritables « stars » sur la toile, sont abondamment cités par les médias traditionnels et publient même parfois des compilations de leurs chroniques chez de grands éditeurs, estompant ainsi la frontière entre amateurisme et professionnalisme dans la blogosphère.






samedi 16 mai 2009

LES IMAGES INTERDITES....



En 2003 déjà, le blog Vigirak.com démontre à quels points les images sont au coeur de la désinformation lors de la guerre en irak. Ce blog est maintenu par un certain "Ferdinand"...qui est en réalité Claude Rainaudi, professeur à l'Université de Nice (département psychologie). D'autres auteurs rédigent des articles sur cette plateforme: des journalistes, des universitaires (droit, sciences politiques).

En 1991, avec la première guerre du Golfe, Georges Bush père avait décidé l'interdiction de la diffusion d'images de soldats tombés au combat. La base aérienne de Dover où les corps sont rapatriés avait été fermée à la presse. L'effet négatif sur l'opinion publique des images liées à la guerre du Vietnam avait justifié cette décision. Le gouvernement américain a été soupçonné de vouloir cacher à son peuple le coût des vies humaine en Irak. Dès 2005, sous la pression de certaines associations militant pour les droits civiques, la règle s'était un peu assouplie... et le Pentagone a rendu public quelques centaines de clichés. Barack Obama vient tout juste de lever cette interdiction.

Avec le recul, on comprend que ces images étaient rares car interdites. On en retrouve notamment sur certains sites ou blogs tels que vigirak.com ou thememoryhole.org. sous les dénominations: "photo interdites" ou encore " celles que vous n'êtes pas supposé voir". Des vidéos de décapitations sont aussi disponibles malgré les doutes émis dans certains commentaires sur l'authenticité des faits. On vous prévient aussi que les images de journalistes "embarqués", c'est à dire pris en charge par le Pentagone, ne sont pas en mesure de vous offrir la vérité...et que la propagande règne!

D'autres images plus crues, notamment sur la prison d'Abu Ghraib y sont également diffusées. Les sources ne sont pas toujours indiquées et des points d'interrogation sont mis sous certaines légendes. Ce type d'images ne peut donc être une source d'information fiable, mais offre un point de vue différent du discours officiel pour poursuivre une recherche et procéder à une vérification. Prudence aussi sur l'idéologie véhiculée par ce genre de sites. Les anti-Bush sont légion.

Les médias à l'époque ne pouvaient diffuser certaines images mais avaient éventuellement la possibilité de consulter ces sites pour se faire une autre idée. Par ailleurs, des blogs comme vigirak tentent de démontrer que les médias utilisent des images, au détriment d'autres, pour faire passer un message précis.


La blogosphère, un espace à déserter ?!

Faut-il en déduire, à l’instar d’Amy Gahran du blog collectif E-Media Tidbits que « les journalistes citoyens ne produisent ni information ni analyse » ?

Le jugement paraît un peu péremptoire. Les contenus des blogs ont une valeur de témoignages exclusifs pour autant que ces "journalistes" citoyens aient accès à des lieux privilégiés d'observation. Mais pris dans l’immédiateté de l’action, ils sont davantage dans la réaction que dans l’analyse des tenants et aboutissants d’un événement.
Le blog offre une information complémentaire aux canaux traditionnels, et ne s'érige pas en concurrent direct. Ses qualités - indéniables - ont chacune leurs revers : rapidité/précipitation, immédiateté/manque d’approfondissment, ton personnel/subjectivité, émotion/absence de rationalité.
Dès lors, il appert que la blogosphère n’est pas un réel contre-pouvoir. Le renversement démocratique qu’elle laissait augurer n’est pas prêt de s’accomplir. Mais cette mouvance est porteuse d’enseignements susceptibles de faciliter la mue des médias traditionnels. Sens du récit et de la mise en scène (story telling), densité émotionnelle, un riche potentiel à ne pas négliger !

"The Marlboro Marine" (2)

Recourant aux nouvelles technologies, Luis Sinco a tiré de cet épisode marquant un motion, genre qui fait actuellement florès sur le net. Il s’agit d’un «web documentaire » combinant images et sons, dans une perspective de rich media.

Cependant force est de constater que la valeur documentaire prime sur la valeur informative ici. Un seul point de vue nous est donné, celui des soldats étatsuniens. Et un point de vue sera toujours par nature individuel et personnel. Certes le journaliste d’investigation doit se saisir de ce témoignage unique, mais il ne peut s’en contenter. A lui d’examiner d’autres perspectives, d’autres sources afin d’approcher l’objectivité si tant est qu’elle existe. Car il n’y a pas de regard omniscient.

A cet égard, il est intéressant de comparer le traitement de cette guerre larvée dans la presse traditionnelle. Une presse par ailleurs clivée, médias arabes, européens et américains adoptant chacun un prisme différent. Suite à la première intervention en Irak, la presse francophone s’appesantit sur l’enlisement de l’armée US. C’est un constat d’échec qui prévaut. Dans son édition du 10 avril 2004, alors que la bataille ne fait que commencer, Rémy Ourdan écrit dans Le Monde: « Les Américains accumulent les revers militaires et politiques ». La veille, le journal Libération titrait quant à lui: « Fallujah, c’est comme Huê au Vietnam », en référence à la victoire à la Pyrrhus (durant l'offensive du Têt, 31 janvier au 3 mars 1968) de l'armée américaine sur les troupes communistes vietnamiennes.

Les médias établissent un body count quotidien, dénombrant les morts et les blessés étatsuniens. Les reportages montrant la lassitude et l’extrême tension des combattants US foisonnent. Les caméras se focalisent sur les victimes civiles de ces combats urbains, souvent utilisées comme boucliers humains par les insurgés. C’est la guerre des images qui débute. Se référant au mainstream, les opinions publiques occidentales sont inclinées à penser que les Américains déploient un arsenal injustifié pour frapper des civils "innocents".

Dans les pays arabes, la ville de Fallujah devient un symbole, celui de la résistance à l’occupation. Le quotidien panarabe AL-QUDS AL-ARABI, édité à Londres, ne fait pas dans la demi-mesure, fustigeant «l’holocauste américain à Fallujah».

Comment sortir d’une lecture binaire, forcément tendancieuse et polarisée, au service d’intérêts divergents ? A l’ère du Web2.0, multipliant les points de vue et sources d’information, la question demeure d’une cruelle actualité. C’est un peu la quadrature du net.



« The Marlboro Marine » (1)

En avril et en octobre 2004 se produisirent à Fallujah deux grandes batailles, parmi les plus importantes qui ont suivi la chute du régime de Saddam Hussein en avril 2003. Elles opposèrent des insurgés irakiens et étrangers à l’armée américaine. Fallujah - ville irakienne sise dans la province d’Al-Anbar à 65 km à l’Ouest de Baghdad - était alors l’épicentre de la guérilla anti-coalition.

Ces durs combats qui se perpétuèrent furent largement relayés et commentés dans la presse. Un photographe du LosAngelesTimes – Luis Sinco les vécut de l’intérieur, intégré au Ier Bataillon des Marines, au sein de la Compagnie Charlie. Son récit est saisissant, il « prend aux tripes » comme on dit. Le reporter décrit sa peur, son sentiment de vulnérabilité (je priais comme jamais auparavant …[…] J’avais misérablement froid et peur […] J’étais persuadé que je n’allais pas en réchapper…), détaille ses réactions avec un réalisme poignant (je serrais les dents en attendant une explosion qui jamais ne viendra), et ses clichés pris sur le vif témoignent de l’âpreté des affrontements.

Luis Sinco n’est autre que l’auteur du fameux cliché « The Marlboro Marine », érigé en icône de la Guerre en Irak.

Voici le récit qu’il fit de sa rencontre avec le soldat harassé : Je me suis assis contre un mur […] et j'ai vu le Caporal James Blake Miller allumer une cigarette. Les peintures de guerre maculaient son visage pris dans des volutes de fumée. Son nez était entaillé et croûté. J'ai pris quelques photos puis me suis mis à fumer. Nous nous sommes regardés, sans mot dire.

Ce témoignage vaut par l’émotion qu’il suscite. On se trouve plongé en plein cœur de l’action, sous les échanges de tirs et les rafales de balles. Difficile de ne pas se sentir partie prenante. Le photo-reporter ne cherche pas à mettre les événements en perspective, il en serait d’ailleurs bien incapable à cet instant. Il ne fait « que » décrire ses sentiments, exprimer ses doutes. Dans le visage du marine, c'est sa propre angoisse qu'il lit, son propre épuisement, mais surtout une même volonté de survie. Ou quand l’histoire personnelle confine à l’universel.




Vérifier l’information

En tant que réceptacle d’informations, le Web fourmille de rumeurs et de tentatives de manipulation. Les images de guerre en sont souvent victimes, la photographie numérique se prêtant à ce genre d’interventions. La blogosphère s’avère particulièrement exposée du fait que tout un chacun peut s’y exprimer.

Entre autres dangers comminatoires, citons : la redondance virale, autrement dit la propension d’une rumeur à se répandre telle une pollution ; les dérives idéologiques dont sont coutumiers certains blogs militants.

La vérification s’avère donc prioritaire pour le professionnel des médias désireux de s’y référer. Celle-ci doit porter sur un certain nombre de critères[1] :
  • authenticité : identifier l’auteur du blog, ses sources
  • nature du site (page personnelle ? nom de domaine ? etc.)
  • qualité (compétences mises en jeu) /pertinence
  • finalité (pour qui ? dans quel but ?)
  • rayonnement (liens vers d’autres sites, inscription dans un réseau)


Comme le souligne Alain Joannès[2], le profil de l’informateur est riche d’enseignements. Dans la blogosphère, les experts foisonnent. Ils apportent souvent des éléments fiables, mais partiels (domaine précis), voire partiaux. Le nombre d’experts qui cautionnent leurs dires est un bon critère d’évaluation de leur pertinence.

Dans les « warblogs », nous avons très fréquemment à faire à des initiés. L’information divulguée est intéressante et inédite, car ces témoins se trouvent au plus près des faits. Mais leur fiabilité n’en demeure pas moins sujette à caution.

De fait, la source a tout loisir de formuler le message à sa façon (subjectivité, manipulation). Pour la jauger au mieux, il convient donc de cerner ses motivations, l’intérêt qu’elle trouve à leur publication.

On le voit, l’évaluation est une compétence cruciale pour le journaliste. Car si les blogs sont souvent plus riches en éléments informatifs, plus originaux que les sites Web éditoriaux - se contentant de dépêches d’agences ou de commentaires d’autres sites - il est indispensable d'en évaluer la fiabilité périodiquement.



[1] selon les méthodes Cornell et Berkeley

[2] L’auteur en distingue six : l’autorité-l’expert-l’initié-l’influenceur-le vecteur manipulé-le manipulateur

De l'intérêt des "warblogs"


L’intérêt de «warblogs » a résidé dans l’aperçu assez remarquable qu’ils donnèrent d'événements quotidiens se déroulant dans des régions exposées (Irak, Afghanistan) où ne s’aventuraient que peu les grands médias. Pour des raisons de sécurité, nombreux étaient ceux à avoir déserté leurs bureaux baghdadi. Le récit d’un marine dans la province d’Anbar, celui d’un infirmier à Baghdad ou d’un officier de logistique au camp Falcon, l’éventail des blogs militaires (ou milblogs) américains actifs durant l’invasion – pas moins d’une centaine - était large. Ce qui n’excluait pas un traitement tendancieux, d’autant plus en l’absence d’une voix alternative.
Face à leur foisonnement virtuel, l’armée US édicta un certain nombre de règles de sécurité, leur accordant un soutien prudent. La Grande Muette y vit aussi un bon moyen de doper le moral des troupes.
Ces blogs made in US ne tardèrent à faire des émules, notamment au Canada. Il s’agissait toutefois de blogs officiels, diffusant les communiqués du commandement central, et au degré d’interaction limité, tels les Canadian Armed Forces et Canadian Military Police aujourd'hui inactifs.
A leur côté, on trouvait quelques blogs plus confidentiels : Army.ca The Narcoleptic Private, ou My Life in the Military, tenu par une femme !

A l’heure d’internet, le blog militaire, c’est un peu la carte postale que les soldats, durant la Seconde Guerre mondiale, griffonaient à la hâte pour donner des nouvelles du front. A la différence notoire que le message est aujourd’hui immédiatement réceptionné. Avec toutes les interrogations (sécurité, confidentialité, authenticité, etc.) que la révolution numérique ne manque pas de susciter...

LE BLOG "INFORMED COMMENT" - ANALYSE 1

Identification de l'auteur


Le blog « informed comment » est le résultat d’un travail d’analyse et de réflexion du professeur Juan Cole. Cet américain enseigne l’histoire à L’Université de Michigan. Les questions liées au Moyen-Orient et à l’islam sont ses spécialités. La page d’accueil de son blog renseigne rapidement sur son parcours professionnel ainsi que sur les études ou articles qu’il a publiés.


Son père a servi dans l’armée américaine ce qui l’a notamment conduit en Ethiopie (Erythrée). Cole s’intéresse d’abord à l’islam dans ce pays où la population est à moitié chrétienne et à moitié musulmane. Il sera formé dans différentes écoles, sur des bases militaires mais aussi dans des écoles civiles. Il étudie l’histoire des religions et la littérature et dirigera un projet de recherche au Liban. En raison de la guerre, il doit terminer sa formation à l’université américaine du Caire où il obtient un master en 1978 sur les questions du Proche-orient et de l’islam. De retour au Etats-Unis, il y achève un doctorat en études islamiques puis sera nommé comme professeur adjoint d’histoire à l’Université de Michigan. Il devient professeur titulaire dès 1995.


En 1972, il se converti à la religion Bahai qu’il quittera cependant en 1996. Cette influence se retrouve dans ses travaux universitaires et a été à l’origine de son intérêt pour les langues arabes. Il parle l’arabe moderne, (en plus du dialecte libanais et égyptien), l’ourdou, le persan et le turc. La question chiite a notamment été l’objet de nombreuses études de sa part jusqu’en 2000. A partir de ce moment et avec l’événement du 11 septembre 2001, il s’est progressivement éloigné de ces sujets pour faire du commentaire plus politique.

Cole est actuellement président et trésorier du « Global americana institute » qui réunit un groupe d’universitaires dans le but de traduire en arabe les œuvres de la démocratie américaine. Des textes de Thomas Jefferson ont déjà fait l’objet de travaux dans ce sens. Ce projet est décrit comme étant non-partisan.


Juan Cole est l’auteur du célèbre ouvrage « Engaging the muslim world ».



Conclusion : Juan Cole informe à visage découvert. Il explique que la carrière universitaire ne doit pas être un frein à la liberté d’expression. Malgré tout, la question de l’opportunité d’un blog se pose dans les milieux universitaires. Cole se présente et assume l’entière responsabilité de l’édition de son blog. Il gère lui-même ses contenus et opère les choix pertinents selon son gré.



Quand la technologie traque l'idéologie


Un petite parenthèse pour tenter d'aérer cette atmosphère un brin anxiogène. Dernière trouvaille ingénieuse dont seul le net a le secret: Worldle, plus qu'une enième application, c'est un formidable outil de décryptage du contenu idéologique d'un site. Pertinent, artistique et ludique, il vous permet de laisser libre cours à votre imagination. Je vous laisse découvrir la teneur du précédent warblog. Edifiant. Le mot OPSEC apparaît ici en surlignage. Dans le glossaire militaire US, ce terme désigne la Sécurité des opérations, la protection des transmissions et des moyens amis. On subodore une certaine allégeance du troupier à sa hiérarchie.

LE BLOG "INFORMED COMMENT" - ANALYSE 2

le contenu du blog

Le sous-titre du blog informe sur son contenu : « Thoughts on the Middle East, History, and Religion”. Puis, cette citation extraite de l’introduction du livre de Cole « Engaging the muslim world » renseigne également sur les intentions de l’auteur.




Le blog de Cole a démarré en 2002. C’est une sorte de plateforme de réflexion mais surtout un « diary » de commentaires à partir de l’actualité ou d’articles publiés dans les médias occidentaux et arabes. Il y traite largement de la guerre en Irak mais pas seulement. Des discussions et échanges critiques nourrissent ses prises de positions.

A noter que ce blog a remporté plusieurs prix dont les plus importants sont le « James Aronson Award » (en 2005) et le « Koufax Awards » qui l’a consacré meilleur blog d’expert.

Le contenu est fortement critique vis-à-vis de la politique de Bush mais, mis en perspective avec un savoir d’historien, il offre un éclairage pertinent sur la situation géopolitique.

Remarques :

Les différents « nuages » de mots présentés ci-dessous, en lien avec les billets publiés, ont été créés avec l’application wordle présentée dans un précédent billet.



Le contenu de manière générale :

Pour Cole, les américains tentent de tirer parti des rivalités internes pour diviser et mieux régner Il définit le terrorisme comme le résultat d’une occupation étrangère combinée à des Etats faibles (post du 7 septembre 2002 « l’architecture du Moyen-Orient »). Sa culture bahaïste influence également son discours dans le sens du modernisme, de la diversité ethnique et de l’internationalisme (coopération des nations et des cultures dans le respect). Ainsi, il valorise les actions multilatérales, en particulier l’ONU, plutôt que des actions militaires unilatérales et privilégie des Etats multiculturels plutôt que des mouvements séparatistes. Enfin, il présente notamment l’islam comme une bonne religion mais souvent déformée par les critiques. Un post du 9 mars 2006, explique que le sectarisme envers les musulmans et le racisme anti-arabe grandit aux Etats-Unis notamment à cause du discours politique de Bush. Cole revient par ailleurs sur des extraits du Coran pour éduquer et mettre en garde contre les mauvaises traductions et interprétations.

Le contenu sur l’irak :

1)

Dans les premiers commentaires publiés, Cole met en garde contre les difficultés mais surtout les conséquences d’une invasion américaine en Irak. Son avis publié le 26 mars 2003 n’est pas tranché: il refuse de se positionner pour ou contre l’intervention. A nouveau, il fait appel à l’histoire pour tenter d’expliquer la stratégie et ses chances de succès. Sa connaissance du monde musulman lui permet de souligner les problématiques et les enjeux et de répondre à des questions d’internautes sur les événements en cours.

(24 mai 2006)

Par la suite, il dénonce le régime de Saddam Hussein et se prononce en faveur de son renversement malgré les conséquences imprévisibles. Dans un post du 24 mai 2006, il critique malgré tout la politique américaine en Irak qu’il qualifie d’échec avec la création d’un « Etat raté ». Il s’inquiète de l’instabilité qui menace la sécurité, et de l’émergence de mouvements nationalistes sans précédent dans l’histoire irakienne. Les forces de sécurités et l’armée irakienne ne seraient pas prêtes à faire face à une éventuelle guérilla. La corruption et la lenteur dans l’organisation des élections démontrent l’inefficacité de la politique américaine.

2)

Le 19 août 2003, suite à l’attentat contre le siège des Nations-Unies à Bagdad, Juan Cole publie le jour même, une analyse personnelle des causes de bombardement. L’attaque au camion piégé a entraîné la mort du représentant spécial de l’ONU, Sergio Vieira de Mello. L’historien évoque deux pistes : le radicalisme musulman sunnite ou les luttes baathistes contre l’occupation américaine. Il argumente. L’article du Washington post du même jour, raconte les faits et relate des témoignages. La piste sunnite évoquée par Cole n'est qu'effleurée et, selon le journal, les responsables américains parlent d’infiltrations étrangères anti-américaines ou de partisans d’un Saddam Hussein déchu.


(19 août 2003)

3)

Dans un billet intitulé « réflexion sur la capture de Saddam Hussein » (tikrit) (post du 14 décembre 2003), il évoque quelques faits historiques que cet évènement lui inspire et s’interroge sur son importance dans la politique irakienne. Selon lui, les anti-américains qui n’osaient pas exprimer leur sentiment par crainte de Saddam Hussein (les chiites) vont désormais se lâcher. Les luttes pour des intérêts locaux vont se révéler plus violentes encore.

Conclusion :

Juan Cole est historien et nous transmet son savoir à travers le journal quotidien qu’il tient sur son blog. L’éclairage est souvent novateur,car enrichi de cette connaissance. L’actualité est commentée de façon prudente. On n’est pas dans l’émotion première ou une réaction à chaud. Par rapport, à la presse traditionnelle, il traite donc les événements de la guerre en irak sous un angle différent et de manière plus élaborée. De manière générale, le blog ne contient que très peu d’images et quelques vidéos dans les dernières années. Le contenu offert au lecteur fait partie d’une réflexion permanente, notamment dans le cadre de son activité universitaire puisqu’il est spécialiste de Moyen-Orient et de l’islam. Clairement, il est l’expert qui donne son avis, qui cherche à comprendre et mieux faire comprendre, notamment sur la question des problématiques religieuses.